Sophie DESMARETS

 

Naturellement irrésistible

 

 

Vrai nom : Jacqueline Yvonne Eva Desmarets.

Née à Paris (16ème) le 7 avril 1922.

Décédée à Paris le 13 février 2012.

 

 

Zone de Texte: En 1987, elle quitte les planches sur une ultime reprise de Fleur de cactus, sa pièce fétiche concoctée par ses comparses et amis Pierre Barillet et Jean-Pierre Grédy.
Depuis, le boulevard déjà orphelin de Poiret et Maillan, n'est plus ce qu'il était.
Pire, Paris dont elle incarnait si bien l'esprit et la pétulance, n'est plus tout à fait Paris…

Desmarets   

 

 

Elle est née Jacqueline Desmarets le vendredi 7 avril 1922 à 11 heures au 56 boulevard Exelmans à Auteuil. 

Son père, Robert, doit à son mentor Henri Desgrange, fondateur du Tour de France, la direction du Vel d'Hiv où il créera les célèbres courses des six jours.  C'est d'ailleurs par haut parleur qu'il apprend en même temps que le public la naissance de sa fille.

 

A neuf ans, ses parents quittent Auteuil pour Suresnes.  Jacqueline fréquente le lycée de Saint-Cloud, puis passe un an comme pensionnaire à l'Institut Montesano de Gstaad, en Suisse, où les études sont réputées sérieuses et l'air divinement sain, ce qui est le but recherché pour apaiser une mauvaise toux persistante contractée en Ile-de-France.

 

Au retour, elle se retrouve au collège de Neauphle-le-Château ou lors d'une fête elle connaît son premier contact avec les planches dans un répertoire aussi éclectique que celui des vaudevilles de Labiche et d' Iphigénie de Racine.

 

Sa mère, Yvonne Latreille, adore le théâtre et ne se prive pas de le lui faire découvrir.

En 1935, Henry Bernstein aux commandes du Théâtre du Gymnase présente sa dernière pièce, Le cœur.

Sophie assiste, subjuguée, à la représentation.  Elle a 23 ans.  Blanche Montel en est la vedette avec Claude Dauphin et Jean-Pierre Aumont et elle est évidemment à mille lieues de penser qu'elle les retrouvera professionnellement par la suite.

 

C'est lors d'une rencontre fortuite avec Louis Jouvet que son destin de comédienne va se décider.  Le Maître, capté par son ingénuité, lui avoue : "Vous avez vraiment un physique de théâtre, si un jour vous voulez jouer, venez me voir".

Une appréciation qui ne tombe pas dans l'oreille d'une sourde.  Elle ne se fait pas prier et entre directement comme auditrice libre dans sa classe du Conservatoire, puis au Théâtre de l'Athénée.  Mais c'est la guerre, et Jouvet qui ne veut pas jouer pour l'occupant, quitte la France pour une tournée en Amérique du sud.

Jacqueline suit alors, en parallèle, les cours dispensés par Beatrix Dussane au Conservatoire et ceux de René Simon.  Elle fréquente Jacques Charon, Daniel Gélin, Françoise Christophe, Gérard Philipe, Jean-Pierre Grandval (le fils de Madeleine Renaud), qui restera longtemps son amoureux transi et platonique. Rassurons-nous, il finira par se marier avec une non comédienne… et par divorcer.

 

En mars 1941, Sophie, toujours Jacqueline, effectue ses premiers pas sur scène avec ses camarades du cours Simon au Théâtre Montansier de Versailles où lui échoit un rôle de religieuse dans Le chant du berceau. 

En 1942, elle se produit au Théâtre de l'Avenue dans Léonor de Silva d'après Calderón, la pièce tient un mois.  La suivante, par contre, Monsieur de Falindor, rencontre un vif succès. 

Suit en 1943, Les incompris une pièce en un acte de Henry de Montherlant… qui ne sera jouée qu'un seul soir !

 

En 1944, elle sort du Conservatoire avec un premier prix de comédie moderne grâce à Feydeau et à Mais n'te promène donc pas toute nue… tout un programme, d'autant plus qu'elle passe sa scène en chemise de nuit ! Les jurés s'emportent, tandis que Jacqueline reste sereine et sans que la chemise de nuit en soit la cause, décide d'opter pour un changement de prénom : Jacqueline devient désormais Sophie.

Les restrictions liées aux circonstances de l'époque font qu'elle ne peut être engagée à la Comédie Française comme le veut la tradition et en 1950 lorsque Piere-Aimé Touchard, le nouvel administrateur, lui propose d'y entrer, prise par le boulevard et ses engagements cinématographiques, elle est contrainte de décliner l'offre.

 

Sophie mène de front une carrière théâtrale, son terrain de prédilection, avec des comédies spirituelles dont la plupart sont irrémédiablement vouées au succès.  Dans sa théâtrographie, relevons son premier rôle après la Libération, en 1945, celui d'une jeune aubergiste riche dans Au petit bonheur, de Marc-Gilbert Sauvajon, aux côtés de Gérard Philipe et d'Odette Joyeux.  Elle enchaîne avec Le soldat et la sorcière d'Armand Salacrou avec Pierre Renoir et dans un rôle de figurant, un jeune homme maigre et fiévreux, répondant au nom de Roger Plemiannikov, qui se fera connaître plus tard au cinéma sous le nom de Roger Vadim.

1950 marque la première rencontre avec Barillet et Grédy qui lui proposent Ami-Ami au Théâtre Daunou.  Et puis s'enchaînent : Le sabre de mon père, de Roger Vitrac (Théâtre de Paris); Hélène ou la joie de vivre, d'André Roussin (Théâtre de la Madeleine); Une femme trop honnête, d'Armand Salacrou (Théâtre Edouard VII); La jument du roi, de Jean Canolle (Théâtre de Paris); Adieu Prudence, de Barillet et Grédy (Théâtre du Gymnase); Fleur de cactus, des mêmes (Théâtre des Bouffes-Parisiens); Quatre pièces sur jardin, toujours des mêmes (Théâtre des Bouffes-Parisiens); L'arc de triomphe, de Marcel Mithois (Théâtre Saint-Georges); Peau de vache, ou Barillet et Grédy lui confectionnent sur mesure (paraît-il ?) le rôle de la mégère inapprivoisée tyrannisant non seulement son mari, Daniel Ceccaldi, mais également tout son entourage. (Théâtre de la Madeleine).

 

Avec ses fossettes rieuses, ses réparties et son humour perpétuellement empreint d'optimisme, comment peut-elle nous faire croire qu'elle ait le mauvais caractère qu'elle s'attribue dans son livre de souvenirs ("Les mémoires de Sophie" – éditions de Fallois 2002) ?

 

Parallèlement au théâtre, elle se produit à la radio (entre autres, "Les grosses têtes" de Philippe Bouvard) ainsi qu'au cinéma. 

Pour ce dernier, il s'agit le plus souvent d'oeuvrettes charmantes, sans prétention, destinées avant tout à divertir.

Après une figuration que lui confie Henri Decoin dans Battement de cœur, elle commence réellement sa carrière en 1941 avec Premier rendez-vous du même Decoin et avec la même vedette féminine, Danielle Darrieux, en l'occurrence fraîchement divorcée du réalisateur.

Suivent, sans pouvoir les citer tous, Seul dans la nuit, une comédie policière de Christian Stengel; Mon ami Sainfoin, un curieux voyage de noces tourné près de Positano en Italie avec Alfred Adam, l'un de ses partenaires préférés, et Pierre Blanchar en tête d'affiche.

Ma pomme, l'histoire d'un clochard philosophe interprété par Maurice Chevalier qu'elle retrouve après avoir tourné l'année précédente Le roi de Marc-Gilbert Sauvajon; Le secret de sœur Angèle, dans un registre plus grave puisqu'elle endosse les habits d'une religieuse; ce qui n'empêche pas un changement radical avec Les trois font la paire où Guitry, dont c'est le dernier film, lui confie le rôle de Titine, une prostituée; Ces sacrées vacances de Robert Vernay, un film bon enfant qu'elle apprécie à titre personnel et qui conte les mésaventures d'un couple de Français moyens en vacances sur la Côte d'Azur; Ma femme est formidable suivi de Mon mari est merveilleux, comédies de même facture signées André Hunebelle, la première ayant été récompensée au Festival de Vichy; Le mur de l'Atlantique qui lui permet d'incarner la sœur protectrice de Bourvil en restaurateur normand; et enfin son dernier film qu'elle doit à Gérard Jugnot  Fallait pas !... dans lequel elle interprète la mère de Michèle Laroque.

 

En 1962, elle est membre du jury au Festival de Cannes avec Romain Gary, Mel Ferrer et Francis Truffaut vis-à-vis duquel elle avoue une absence totale d'atomes crochus…

 

Elle fait aussi de la télévision, notamment, les pièces Madame Sans-Gêne de Claude Barma et Le préféré des incontournables Barillet et Grédy, où elle reprend la rôle créé par Judith Magre au Théâtre de la Madeleine.  Quelques téléfilms également : Les chiens ne font pas les chats avec Natacha Amal; Toutes griffes dehors avec Jacques François; Paris-Vichy  avec Jean-Pierre Aumont, etc.

 

Avec son amie Andrée Debar, elle se lance dans les antiquités et ouvre à l'enseigne de "Cactus Bazar", dans le 2ème arrondissement, un magasin de brocante qui s'avère rapidement un désastre financier.  Sophie reconnaissant volontiers un sens des affaires vraiment peu affiné… "acheter trop cher pour vendre trop bon marché" n'étant pas la meilleure formule de gestion.  

 

Elle fut mariée à René Froissant, de qui elle eut Catherine, et au marquis Jean de Baroncelli-Javon, romancier et critique de cinéma au "Monde", de qui elle eut Caroline.

 

En 1981, elle connaît ses premiers ennuis de santé dont une surdité qui, malgré des soins par mésothérapie, ne font que s'aggraver et qui constitueront finalement l'arrêt de sa carrière.

 

Néanmoins, elle a conscience d'avoir eut une vie privilégiée. Familialement et professionnellement.  Aujourd'hui encore, elle est toujours étonnée par les gens qui la reconnaissent, l'abordent et la remercient de les avoir fait rire, de les avoir fait oublier leurs peines ou leurs soucis le temps d'un spectacle.

Et comme elle conclut elle-même : "Après tout, ce n'était peut-être pas aussi idiot que ça, de choisir pour métier de  faire l'andouille ! "

 

Et à toi, chère Sophie, merci de nous avoir offert ton talent, ta chaleur et ton incurable optimisme.

 

Et un merci tout particulier à ces deux teignes, Mademoiselle Vignault (de Fleur de cactus), et  l'atrabilaire Marion  (de Peau de vache) !

 

 

FILMOGRAPHIE.

 

1939  Battement de cœur, de Henri Decoin, figuration.

1941  Premier rendez-vous, de Henri Decoin, avec Danielle Darrieux.

1942  L'homme qui joue avec le feu, de Jean de Limur, avec Georges Marchal.

          Des jeunes filles dans la nuit, de René Le Hénaff, avec Gaby Morlay.

          Etoiles de demain, court métrage de René Guy-Grand.

1943  Premier prix de conservatoire, court métrage de René Guy-Grand.

1945  Le capitan, de Robert Vernay, avec Pierre Renoir.

          120, rue de la gare, de Jacques Daniel-Norman, avec René Dary.

          Seul dans la nuit, de Christian Stengel, avec Bernard Blier.

1946  Rocambole, de Jacques de Baroncelli, avec Pierre Brasseur.

1947  Tierce à cœur, de Jacques de Casembroot, avec Henri Guisol.

          Croisière pour l'inconnu, de Pierre Montazel, avec Claude Dauphin.

1948  Les souvenirs ne sont pas à vendre, de Robert Hennion, avec Blanchette Brunoy.

          Femme sans passé, de Gilles Grangier, avec François Périer.

          Rapide de nuit, de Marcel Blistène, avec Roger Pigaut.

          Vire-vent, de Jean Faurez, avec Roger Pigaut.

          La veuve et l'innocent, d'André Cerf, avec Jean Tissier.

1949  Le roi, de Marc-Gilbert Sauvajon, avec Maurice Chevalier.

          Mon ami Sainfoin, de Marc-Gilbert Sauvajon, avec Pierre Blanchar.

1950  Ma pomme, de Marc-Gilbert Sauvajon, avec Maurice Chevalier.

          Demain, nous divorçons, de Louis Cuny, avec Jean Desailly.

          Désordre : vision de Saint-Germain-des-Prés, documentaire de Jacques Baratier.

1951  Signori, in carrozza / Rome-Paris-Rome, de Luigi Zampa, avec Aldo Fabrizi.

          Ma femme est formidable, d'André Hunebelle, avec Fernand Gravey.

1952  Mon mari est merveilleux, d'André Hunebelle, avec Fernand Gravey.

1953  Femmes de Paris, de Jean Boyer, avec Brigitte Auber.

1954  Scènes de ménage, d'André Berthomieu, avec Marthe Mercadier.

          Escalier de service, sketch "Les Dumeny", de Carlo Rim, avec Danielle Darrieux.

          Le fils de Caroline chérie, de Jean Devaivre, avec Jean-Claude Pascal.

1955  Gli ultimi cinque minuti / Les cinq dernières minutes, de Giuseppe Amato, avec Rossano

          Brazzi.

          Le secret de sœur Angèle, de Léo Joannon, avec Raf Vallone.

          Ces sacrées vacances, de Robert Vernay, avec Pierre Destailles.

          Une fille épatante, de Raoul André, avec Raymond Rouleau.

          Si Paris nous était conté, de et avec Sacha Guitry.

1956  Miss Catastrophe, de Dimitri Kirsanoff, avec Philippe Nicaud.

          Ce soir les jupons volent / Princesses de Paris, de Dimitri Kirsanoff, avec Brigitte Auber.

1957  Fumée blonde, de Robert Vernay, avec Darry Cowl.

          Les trois font la paire, de Sacha Guitry et Clément Duhour, avec Michel Simon.

          Filous et compagnie / Les filous, de Tony Saytor, avec Pierre Destailles.

1958  Drôles de phénomènes, de Robert Vernay, avec Philippe Clay.

          La vie à deux, de Clément Duhour, avec Fernandel.

          Madame et son auto, de Robert Vernay, avec Jacques Morel.

          Nina, de Jean Boyer, avec Jean Poiret.

1960  La Française et l'amour, sketch "L'adolescence", de Jean Delannoy, avec Roger Pierre.

          La famille Fenouillard, d'Yves Robert, avec Jean Richard.

          Anonima cocottes / Petites femmes et haute finance, de Camillo Mastrocinque, avec Francis

          Blanche.

1961  La ragazza di mille mesi / Défense d'y toucher, de Steno, avec Ugo Tognazzi.

1963  Dragées au poivre, de Jacques Baratier, avec Sophie Daumier.

          Le motorizzate / Les motorisées, sketch "La femme à la Jaguar", de Marino Girolami, avec

          France Anglade.

          La foire aux cancres, de Louis Daquin, avec Dominique Paturel.

1964  La chance et l'amour, sketch "Lucky la Chance", de Charles Bitsch, avec Michel Piccoli.

1965  La tête du client, de Jacques Poitrenaud, avec Jean Poiret.

1966  Toutes folles de lui, de Norbert Carbonnaux, avec Robert Hirsch.

          Le désordre à vingt ans, documentaire de Jacques Baratier.

1970  Le mur de l'Atlantique, de Marcel Camus, avec Bourvil.

1973  La raison du plus fou, de François Reichenbach, avec Raymond Devos.

1977  Le maestro, de Claude Vital, avec Daniel Ceccaldi.

          Un second souffle / Check-up, de Gérard Blain, avec Robert Stack.

1992  Les mamies, d'Annick Lanoë, avec Danielle Darrieux.

1993  Pourquoi maman est dans mon lit ?, de Patrick Malakian, avec Marie-France Pisier.

1995  Fantôme avec chauffeur, de Gérard Oury, avec Gérard Jugnot.

1996  Fallait pas !..., de et avec Gérard Jugnot.

 

 

© Yvan Foucart   pour   Les gens du cinéma